L’aube du saxophone

 

L’AUBE DU SAXOPHONE - Musiques originales du XIX° siècle pour quatuor de saxophones. Quatuor Ars Gallica.


En 1995, Serge Bertocchi entreprend un travail de recherche (essentiellement à la Bibliothèque Nationale), qui lui permet de découvrir une riche production de pièces assez courtes publiées par Adolphe Sax, et quelques œuvres isolées qui jalonnent la fin du XIX° siècle et le tout début du XX°. La plupart de ces œuvres n’étaient encore pas éditées à cette époque, et seul le Premier Quatuor de Singelée figurait fréquemment au répertoire des quatuors de saxophones classiques qui s’intéressent au répertoire naissant du saxophone.

Le quatuor Ars Gallica décide alors d’explorer ce répertoire, ce qui donnera lieu à un premier CD intitulé : «L’aube du saxophone», enregistré en juillet 1995. Une publication ultérieure sur le label LIGIA DIGITAL aura lieu en 1997.


1° Quatuor pour Saxophones , Op. 53 de Jean-Baptiste Singelée

1857

2. Grand Quatuor Concertant, Op. 79 de Jean-Baptiste Singelée

1862 

3. Quatuor de Saxophones de Jeróme Savari 1861 

4. Quatuor de Saxophones de Jean-Baptiste Victor Mohr

1864 

5. Quatuor de Saxophones no 1 de Louis Mayeur

1888 

6. Andante, Fugue et Finale pour 4 Saxophones de Raymond Moulaert , 1907 

Critique DIAPASON n°436, avril 1997


Trop langoureux pour être honnête, l’instrument d’Adolphe Sax, bien que né franco-belge comme une certaine école de violon, a longtemps été regardé avec méfiance par les gardiens du temple musical. Le jazz n’avait pas les mêmes préventions, ni certains francs-tireurs dont Ravel. L’instrument devait susciter par ailleurs peu après son invention en 1846 toute une littérature pour quatuor dont on trouvera ici un florilège excellemment servi par le Quatuor Ars GAllica. Justesse (pierre de touche de ce genre de formation), homogénéïté des sonorités et de l’articulation, chaleur sonore font de cet ensemble une phalange de haut vol. Les pages de Jean-Baptiste Singelée (1812-1876), de coupe postclassique, mélange de badinerie mélodique (1° quatuor Op 53) et de polyphonie déliée (Grand Quatuor Concertant Op 79) retiendront particulièrement l’attention par la qualité de leur facture et leur mélodisme. Le quatuor de Jérôme Savari (1819-1870) comme celui de Louis Mayeur (1837-1894) flirtent davantage avec l’esprit musique de kiosque, et celui de Jean-Baptiste-Victor Mohr (1823-1891) lorgne ostensiblement Rossini. L’ensemble complété par le très Franckiste Andante Fugue et Final de Raymond Moulaert (1875-1962), s’écoute avec un réel plaisir. On notera en outre le soin apporté à la notice de présentation, signe supplémentaire du professionnalisme exemplaire caractérisant cette réalisation.

Jean Cabourg

Hédouville le 18 décembre 1995


Cher Monsieur

Malgré les problèmes récents d’acheminement du courrier, j’ai bien reçu votre aimable envoi et vous en remercie.


J’ai lu avec intérêt la documentation sur ARS GALLICA et écouté avec beaucoup de plaisir le CD, à cause de la découverte des compositeurs et leurs œuvres, dont j’ignorais tout et jusqu’à leur existence, et encore plus , à cause de l’excellence de l’interprétation : c’est du très beau travail d’authentiques «chambristes» caractérisé par un jeu homogène parfaitement équilibré, un goût musical sans défaut et le souci des détails bien «ouvragés».


Le somptueux livret bilingue, aussi beau qu’intelligent (j’ai lu, bien entendu, le texte en japonais !) ne fait qu’ajouter une «plus-value» appréciable à la réussite de ce disque, couronnement de vos courageux efforts : BRAVO !


Aussi, je ne résiste pas au plaisir de vous offrir en retour un CD récent avec quelques-unes de mes «œuvrettes» pour divers instruments et précisément, pour diverses formations de «chambre». J’ose espérer que leur écoute ne vous sera pas trop décevante et vous laissera entrevoir un aspect plus musical qu «officiel» de mes activités ...


Croyez, cher Monsieur, à mes sentiments bien cordiaux.

Janos Komives

CRITIQUES


Journal de la Confédération Musicale de France, JUIN 1996


Il y a un bon nombre d’excellents quatuors de saxophones dans le monde entier, mais Ars Gallica se distingue particulièrement, ne fut-ce que par le choix éclectique de son répertoire.

Voilà une merveilleuse idée d’enregistrer le plus ancien répertoire original pour quatuor de saxophones, dont certains morceaux ont été écrits par des amis et collaborateurs d’Adolphe Sax. Cinq des six quatuors enregistrés appartiennent vraiment au répertoire historique de l’ère du saxophone. Grâce à ces compositeurs le quatuor de saxophone s’est imposé, lentement mais sûrement, comme un ensemble de musique de chambre précieux. Le perfectionniste dira que ce disque laser est sorti avec un an de retard, Sax étant décédé en 1894, mais cela ne pourrait gâcher votre plaisir. N’oublions pas que Antoine-Joseph, dit Adolphe Sax, était également éditeur et que quatre des compositeurs du répertoire enregistré ont édité des œuvres chez Sax. Trois des compositeurs étaient en outre des compatriotes de Sax, né à Dinant en Belgique.  Le Bruxellois Jean-Baptiste Singelée (1812-1875) fut un ami de Sax et il lui prodigua de nombreux conseils quant à la mise au point du saxophone. Il est le véritable créateur du quatuor de saxophones. Il va de soi que ses deux brillants quatuors (Op 53 et 79) aient été enregistrés. Le clarinettiste flamand Louis Mayeur (1837-1894), soliste à la Garde Républicaine et à l’Opéra de Paris, est entré dans l’histoire du saxophone en créant le fameux solo de l’Arlésienne de Bizet en1872.

Après avoir collaboré avec Sax, il travaille pour des éditeurs concurrents. La composition, ainsi que la conception de son quatuor sont originales. Le corniste et chef de musique militaire Jean-Baptiste Mohr (1823-1891) — certains se rappelleront du jeu de mot de Berlioz à son sujet — a habilement utilisé des allusions à des airs connus de Rossini dans ce premier mouvement d’un quatuor dont les autres mouvements (comme tant d’autres pièces éditées par Sax) ont disparu. Jérôme Savari (1819-1870), un autre chef de musique français, est l’auteur de plusieurs morceaux pour (ensembles de) saxophones, édités par Sax. Son quatuor est remarquable du point de vue technique.

Les grands artistes que sont Jérôme Bartalucci, Serge Bertocchi, Claude Héraud et Hervé Saillard, ont eu l’excellente idée de compléter ce CD par Andante Fugue et Final de Raymond Moulaert (1875-1962) qui fut pendant 43 ans professeur au Conservatoire Royal de Bruxelles. Cette composition fut écrite à l’origine pour hautbois, hautbois d’amour, cor anglais et heckelphone, puis Moulaert en fit lui-même une version pour quatuor de saxophones. Voilà donc une œuvre du début du vingtième siècle qui renoue avec la tradition du dix-neuvième siècle qui avait vu la naissance du saxophone, et de son répertoire, magistralement sauvé de l’oubli par ce disque laser qui vous procurera de nombreuses et agréables heures d’écoute.

Francis Pieters

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