Sciarrino/Xasax : Pagine & Canzoniere

 

Sciarrino : Pagine/Canzoniere

mardi 09 mars 2004

Le Nouvel Observateur 2002/2003




Classique

*** Sciarrino ; ** Bach ; ** Scelsi

*** Sciarrino


«Pagine & Canzoniere da Scarlatti» par le quatuor Xasax

Du Bach, du Mozart, dix sonates de Scarlatti, et même des madrigaux de Gesualdo joués par un quatuor de saxophones, ça n’a rien pour attirer… Et pourtant, ce disque est sublime de bout en bout. C’est que Salvatore Sciarrino (né en 1947) est un immense compositeur, et qu’il sait ce que transcrire veut dire. Jamais une maladresse, jamais une faute de goût. Mais des idées tout le temps, de timbre, de répartition… Outre de prodigieux Scarlatti, deux sommets: une chanson de Cole Porter, vue derrière une vitre embuée, belle à chialer, et deux pièces anonymes de l’Ars Nova, d’une élégance sonore inouïe. On jouait du saxo au xive siècle? Il faut croire. La chronologie n’est rien, le talent est tout. (Zig Zag)

J. Dr.

(Xasax est en concert les 17 et 19 novembre au Musée d’Orsay dans le cadre du Festival d’Automne.)



Les INROCKUPTIBLES             mardi 09 mars 2004

    Disque

L'Ensemble Xasax


Pagine & Canzionere Da Scarlatti

sortie janv. 2004  (Zig-Zag Territoires / Harmonia Mundi)


Transcrire pour un quatuor de saxophones des œuvres de l’Ars Nova, Gesualdo, Scarlatti, Bach, Mozart, Gershwin et Cole Porter ? Sur le papier, le projet du compositeur italien Salvatore Sciarrino a de quoi faire frémir : et pourquoi pas, tant qu’on y est, jouer Frescobaldi à l’hélicon ou Froberger à l’ocarina ? Aux premières mesures du madrigal de Gesualdo Itene miei sospiri, toutes nos craintes s’évanouissent pourtant, relayées aussitôt par un enthousiasme qui, jusqu’aux ultimes respirations de la Sonate en sol majeur de Scarlatti, ne faiblit plus. Les amateurs de curiosités déconnantes et de reprises décalées peuvent passer leur chemin : rompu à l’exercice de la transcription (il a écrit une version de la Toccata et fugue en ré mineur de Bach pour flûte et amplification électronique), Sciarrino n’est pas un bouffon postmoderne, mais l’un de ces rares esprits clairvoyants qui savent regarder le passé avec un œil visionnaire.

La réussite de cette audacieuse entreprise tient d’abord à son approche du répertoire : Sciarrino ne rhabille pas les œuvres selon le goût du jour, il les dénude et les fouille, comme pour mieux en retirer et en raffiner la moelle harmonique, mélodique, dynamique et sonore. L’Italien creuse littéralement son sujet, et ce qui ressort de ce travail méticuleux et exigeant est prodigieux de clarté et riche en révélations. La fluidité de l’enchaînement entre l’Adagio della grande partita de Mozart et un standard de Cole Porter (I’ve Got You under My Skin), lui-même reversé en douceur dans des Chasses anonymes de l’Ars Nova, témoigne à elle seule de la magie et de la pertinence avec lesquelles Sciarrino parvient à mettre en relation des matériaux, des époques et des écritures apparemment très éloignés.

La parfaite complémentarité des timbres de l’alto, du ténor, du baryton et du soprano et le velouté de la texture sonore, renforcés par des instrumentistes qui, même dans les passages les plus virtuoses, dédaignent la pompe, achèvent d’unifier un disque qui a tous les atours d’une grande forme liée, continue. Musicien érudit qui réussit à donner corps à tous ses fantasmes intellectuels, Sciarrino considère à raison que la transcription est une “application inédite de la musicologie”. Inédite mais aussi diablement instructive, tant ce disque éclaire sous un autre jour l’histoire de la musique et croise d’une incomparable façon les souffles de ceux qui l’ont faite, la font et la refont. Si tout le monde avait l’oreille absolue de Sciarrino, la production musicale de ce temps nous ferait sans cesse tomber en pâmoison. 

Richard Robert , Les Inrockuptibles, 21 janv. 2004


Le Monde de la Musique n° 283 - Janvier 2004  p90


PAGINE & CANZONIERE DA SCARLATTI

Xasax : Marcus Weiss (saxophone soprano), Pierre-Stéphane Meugé (saxophone alto), Jean-Michel Goury (saxophone ténor), Serge Bertocchi (saxophone baryton)

1 CD Zig-Zag Territoires ZZT 031001 (distribue par Harmonia Mundi)

Textes de présentation en français

Enregistré en 2003- Minutage : 1 h 8' -DDD


Transcription n'est pas trahison. Celle que Salvatore Sciarrino conçoit pour quatuor de saxophones à partir d'emprunts à l'Ars Nova du gothique flamboyant, à Gesualdo, Bach, Mozart, Cole Porter ou Gershwin ressemble d'abord à quelque «cabinet de curiosités», mais révèle vite un statut bien plus noble, selon les termes mêmes du titre italien, d' «élaborations». Nous sommes aux antipodes d'une démonstration. L’élaboration projette sur les œuvres choisies une clarté qui permet I'observation aiguë des mécanismes de lignes, d' accords, de texture, laissant dans I' oreille des impressions aussi mémorables que celle d'une camera oscura sonore. Dépouillées de tout contexte, mais investies d'une vie musicale prodigieuse par le Quatuor Xasax, les pièces avouent leur cohérence dans des couleurs chatoyantes, font sourdre des arrière-plans, presque des arrière-pensées : délicatesses vénéneuses de Gesualdo, reflets fantomatiques de Cole Porter, sensualité prémozartienne de Bach. Chacun trouvera, comme dans le test de Rorschach, de quoi alimenter son imaginaire pour le réinvestir à I'occasion sur l'écoute des «originaux». Un compositeur émerge avec insistance dans ce kaléidoscope : Domenico Scarlatti. L'inépuisable invention des sonates trouve dans ces élaborations de quoi magnifier la force, l'incroyable complexité des scénarios musicaux qui s'y déroulent sur quelques minutes. Comme le remarque Jean-Baptiste Apéré dans l'excellent texte de présentation, «Sciarrino ne démontre pas : ii démonte puis montre un objet sonore de notre temps». Mais que ces objets vibrent encore d'énergies inconnues, oubliées, enfouies, voilà qui signe I' élégante clairvoyance de l'entreprise.

Marc Desmet , Le Monde de la Musique


P 63 : Chocs du mois

Sciarrino Pagine & canzoniere da Scarlatti

Ensemble Xasax 1 CD Zig-Zag Territoires ZZT 031001 (Harmonia Mundi) Transcription n'est pas toujours trahison : celle que Sciarrino conçoit pour quatuor de saxophones a partir de I'Ars nova comme de Gershwin relève du noble statut d’élaboration". Un disque rare ! Chronique page 90




DIAPASON n° 510, Janvier 2004, p 94 et 96

SALVATORE SCIARRINO Né en 1947

Pagine. Bis. Canzoniere da Scarlatti.

Xasax ( quatuor de saxophones).

Zig-Zag Territoires ZZT031 001 ,

distr. HM (CD : 26,35 €).

ø 2003. TT:1 h08'12".

.............. .............

TECHNIQUE: 9/10

I.S.:9.    D.:9.    T.:9.    Dy.:8.


Salvatore Sciarrino s'est fait connaître au public français lors du Festival d'Automne 2000. Il mène depuis une trentaine d'années une double activité de compositeur et de transcripteur. Distinction commode mais réductrice : son travail d'adaptation procède d'une véritable révélation, au sens photographique, par le raffinement du traitement. Pour le compositeur de Macbeth et Lohengrin, inspiration musicale et répertoire préexistant s'envisagent comme un même matériau dont il convient d'extraire la substance. De la transcription stricto sensu à l'adaptation, sa palette d'intervention est vaste, amenant parfois le Sicilien a conduire l'œuvre hors de ses limites : il adapta en 1995 la Toccata et fugue en ré mineur pour flûte seule et amplification électronique !

Dans le Canzoniere da Scarlatti (2002), le spectaculaire travail de répartition des événements sonores entre les instrumentistes ouvre une dimension supplémentaire au discours, qui se déploie sans recourir aux doublures ou à un gonflement dynamique artificiel. L'individualisation des tessitures accroît la lisibilité du texte, dont l'articulation, les ruptures, la syntaxe se trouvent soulignées : ce n 'est pas un morcellement mais presque une exagération du sens qui nous est proposée. Ou, pour reprendre la métaphore photographique, une surexposition virtuose. Sciarrino conçoit la transcription comme une « application inédite de la musicologie », une reformulation dont la pertinence s'illustre dans les superbes Pagine (2001). N'y craignez pas la vulgarité, les attaques criardes, l'acidité du métal: les saxophones de Xasax fuient ces travers avec une fière assurance. La volupté du son et la ténuité du souffle (I've got you under my Skin) prévalent dans cette fresque puisant dans les Chasses de I' Ars Nova, les Madrigaux de Gesualdo ou les chansons de Gershwin et Cole Porter .

Arielle Goupil, Diapason

 

Caça : Anonyme du 14° siècle/Sciarrino

S. Sciarrino

Varias Obras

Cuarteto Xasax. M. Musical. Zzt 031001


“No se puede uno imaginar un timbre más suave, una cohesión más perfecta, una puesta a punto más impecable, una musicalidad más auténtica”. Son palabras de Salvatore Sciarrino a propósito del saxofón. En verdad que la sonoridad del saxo, en sus distintas clases, es de una dulzura única; más grave y redonda, más aterciopelada y profunda que la del clarinete, se aproxima más a la del corno di bassetto, aquel ingenio tan admirado por el mismo Mozart. Son apreciaciones que podemos suscribir al escuchar este disco protagonizado por el formidable cuarteto francés XASAX. Los arreglos realizados por Sciarrino son magistrales y revelan un dominio del instrumento, aplicado aquí, muy en primer lugar, a sonatas de Scarlatti. La peculiar sonoridad junto al manejo de la polifonía y los choques armónicos bien distribuidos otorgan encanto y misterio a estas músicas, que se unen a las de Mozart (en una ensoñadora transcripción del Adagio de la Gran Partita), Gesualdo, Bach, Cole Porter (curiosa versión de I’ve got you under my skin), anónimos del Ars Nova y Gershwin.


Arturo REVERTER, El Cultural

Sciarrino, S. (Xasax)

Pagine & Canzoniere da Scarlatti

Info

Musikrichtung: Saxophonquartett


V÷: 01.04.2004


Zig Zag Territories / Note 1

CD DDD / Best. Nr. ZZT 031001


Gesamtspielzeit: 68:14




KREATIVE TRANSKRIPTIONEN


DIE ERNSTHAFTE ERFINDUNG DES HERRN SAX

Gleich eine ganze Instrumentenfamilie war es, die der französische Instrumentenbauer Adolphe Sax ab 1840/41 der musikinteressierten Pariser Öffentlichkeit vorstellte: Sein Saxophon baute er in acht Größen, vom hohen Sopranino bis zum abgrundtiefen Subkontrabass. Es war wie die Klarinette mit einem einzigen Rohrblatt versehen, aber einfacher zu spielen als diese. Sein charakteristisches, vor allem in der Mittellage sonores, vibratoreiches Timbre mischt die warmen, lyrischen Klangfarben von Oboe, Fagott und Klarinette mit der Brillanz von Horn und Trompete. Je nachdem kann es samtweich und einschmeichelnd oder harsch und “röhrig” klingen, kommt aber auch der menschlichen Singstimme nahe, was einen vielfältigen Einsatz ermöglicht.

Rasch fand es Eingang in die Militärkapellen, etwas später auch in die Orchester- und Opernmusik von Meyerbeer, Bizet, Debussy, Ravel und Stravinsky, um nur einige zu nennen.

Wer hätte das gedacht: Der “Klassiker” aus Big-Band und Jazzmusik, der heute in Unterführungen ebenso daheim ist wie im gehobenen Clubambiente und der es bis zum erotischen Attribut gebracht hat, ist eigentlich ein ganz “ernsthaftes” Instrument!

Und wer hätte gedacht, dass dieses Instrument schließlich Anfang des 20. Jahrhunderts die Weihen einer anderen, ausgesprochen klassischen Gattung erhielt: Als Saxophonquartett trat es neben das seit Mozart und Haydn etablierte Streitquartett! Man könne sich keinen wärmeren Klang, keine vollkommenere Homogenität, keine sauberere Pointierung, keine unmittelbarere Musikalität vorstellen, so der Publizist Honerée Arthur 1936 über das Saxophonquartett.

435 Originalkompositionen und 60 Bearbeitungen sind seitdem für dieses Ensemble geschrieben worden - eine erkleckliche Zahl, die freilich nicht verhindern konnte, dass das Genre eine eher exotische Erscheinung geblieben ist.




INSPIRATION FÜR DIE ZEITGENOSSEN

Der italienische Komponist Salvatore Sciarrino (* 1947) hat dem Saxophonquartett zwei Sammlungen mit Transkriptionen gewidmet, die das 1991 gegründete französische Ensemble Xasax für diese neue Produktion des Labels Zig-Zag-Territories eingespielt hat.

Sciarrinos Bearbeitungen unter dem Titel Pagine, die 2001 entstanden sind, umfassen Werke mehrerer alter (und neuerer) Meister. Madrigale von Carlo Gesualdo finden sich da neben Stücken von Bach, Mozart und Cole Porter oder George Gershwin. Ein Jahr später vollendete Sciarrino den zweiten Teil, der einem einzigen Komponisten gewidmet ist: Domenico Scarlatti. In den Canzoniere da Scarlatti hat der Komponist sechs der über 500(!) Cembalosonaten dieses Tastenvirtuosen verarbeitet.

Das letzte Wort ist mit Bedacht gewählt: Sciarrino hat nicht einfach Note-um-Note-Übertragungen erstellt, sondern die Vorlagen sehr überlegt in die ganz andere Klangwelt des Saxophonquartetts übersetzt. Dazu mussten, wie im Fall von Gesualdo, fünfstimmige Madrigale so eingerichtet werden, dass sie von vier Intrumenatlisten ausgeführt werden können - Sciarrinos Lösung fordert auch von den Spielern einiges an Virtuosität. Außerdem wünschte der Komponist eine gewisse Homogenität, sowohl klanglich als auch stilistisch. Die Stücke werden durch seine Nachschöpfung als Werke einer bestimmten Epoche unkenntlich; was bleibt ist ihre Modernität. Und genau auf diese habe er es abgesehen, so der Komponist.

Das Ergebnis ist faszinierend: Gewiss kann man hier noch Gesualdo von Bach, Mozart von Gershwin oder Porter von Scaralatti unterscheiden - wenn man sich anstrengt. Bei Sciarrino sind aus Stücken mit ursprünglich ganz unterschiedlicher Funktion und mit ganz unterschiedlichem Ausdruck nunmehr Werke absoluter Musik geworden.

Für diese hat er mit dem flexiblen Saxophonquartett ein kongeniales Medium gefunden. In den Bearbeitungen beginnt die Musik, Merkmale anderer Zeiten und Stile anzunehmen: Mozart klingt ausgesprochen exotisch, gelegentlich klezmer-artig und kommt auch Cole Porter oder George Gershwin plötzlich sehr nahe - und umgekehrt. Oder grüßen sich nicht doch vielmehr Bach und Mozart von Ferne? Apropos Bach: Auch zwischen seinem “Kyrie Gott Vater Ewigkeit” und einem anonymen mittelalterlichen Stück ergeben sich eigentümliche Verwandtschaften. Und Scarlattis Modernität und Einfallsreichtum treten, befreit von der Klangaura des Rokoko, einmal ungefiltert hervor.

Hat man die Originale im Ohr, dann überzeugen die per se Ñabstrakterenì Stücke der mittelalterlichen und barocken Meister in Sciarrinos Transskriptionen mehr, als z. B. Mozarts Adagio aus der Grand Partita, weil die Instrumentalvorstellungen des Originals hier schon viel spezifischer auf das harmonische Gefüge der Musik abgestimmt sind. (Allerdings kommt der schillernde Mischklang der Saxophone der mozartschen Holzbläserbesetzung im Timbre doch sehr nahe - was dieser Meister wohl aus Adolphe Sax’ Erfindung gemacht hätte ?)

Xaxax musiziert Sciarrinos Übertragungen mit der nötigen Finesse und verblüfft durch die Fülle an Nuancierungen, Temperaments- und Farbwechseln. Die Ñamorpheì Klanglichkeit der Instrumente wird gebührend ausgespielt: Mal klingt’s nach Klarinette oder Bassethorn, mal nach menschlicher Stimme, dann wieder nach Streichinstrument oder völlig abstrakt. Und manchmal natürlich auch einfach nach Saxophon.

Ein spannendes Vexierspiel zwischen den Zeiten und Stilen, das einmal mehr bestätigt, dass gute Musik immer auch zeitlos moderne Musik ist. Außerdem dürften hier selbst notorische Gegner des Saxophons bekehrt werden (ich weiß, wovon ich spreche).


Georg Henkel

«Une formation entre toutes incroyablement homogène et malléable», tel est le quatuor de saxophones pour Salvatore Sciarrino. Regrettant le répertoire peu étoffé destiné à un tel ensemble, le compositeur sicilien a décidé d'y remédier à sa manière, en imaginant un concert dédié aux quatre saxos (baryton, ténor, alto et soprano) et composé de courtes transcriptions de musiques écrites pour la plupart bien avant Adolphe Sax. Bien que Sciarrino se permette de temps à autre de laisser déraper son écriture, celle-ci reste, pour l'essentiel, dans les limites scolaires de la transcription. L'auteur semble n'avoir d'autre souci que de jouer avec cet assemblage instrumental aussi singulier qu'efficace, comme on fait tourner entre ses doigts une belle agate. Bien sûr, il y ajoute un zeste d'ironie, achevant de perturber des repères chronologiques qui font succéder impavidement Cole Porter (1891-1964) à Wolfgang Amadeus Mozart (1764-1791). Le «spectacle» conçu par Sciarrino prévoit même les bis à jouer après chacune des deux parties, la seconde étant du pur Scarlatti (Domenico). Les trois Français et le Suisse de Xasax, qui militent depuis plus de douze ans à l'avant-garde de la défense et l'illustration de la famille Sax, sont à leur affaire.

Sciarrino Quatuor Xasax (Zig-Zag Territoires).


Gérard DUPUY, Libération, 28 novembre 2003